Le salon littéraire de mars était consacré au cycle de nouvelles de I. Bounine, “Les Allées Sombres”.

Ce n’était pas par hasard que nous sommes passés de la discussion des œuvres de Nabokov à celles de Bounine. Ces deux noms marquants de la littérature russe classique étaient des rivaux créatifs. Alors que Nabokov était plusieurs fois nominé pour le prix Nobel, Bounine l’a remporté.

Initialement, les relations entre Bounine et Nabokov n’étaient pas si hostiles. Leur correspondance était plutôt amicale. Dans les années 1920, Bounine était un modèle vivant de la littérature russe pour les jeunes écrivains.

Ils ont commencé à correspondre après que le père de Nabokov, qui connaissait Bounine, lui a demandé de regarder les poèmes de son fils. L’écrivain a accepté. À partir de ce moment-là, les deux écrivains, le débutant et le maître, ont commencé à se connaître.

Après la publication du premier roman de Nabokov, “Mary”, la correspondance entre les deux écrivains a continué. Il est à noter que les critiques n’ont pas très bien accueilli “Mary”, mais ont remarqué le potentiel de l’auteur. “La Défense Loujine” a apporté la notoriété à Nabokov. Et Bounine réalise qu’il a affaire à un auteur talentueux. C’est à partir de ce moment-là que commence la discorde dans leurs relations.

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Lors de conversations avec des tiers, Bounine critique de plus en plus Nabokov, son style littéraire.

En janvier 1936, Bounine et Nabokov, déjà rencontrés en personne, se rencontrent à Paris. Voici ce que Nabokov écrit à propos de cette rencontre : “Quand je l’ai rencontré en émigration, il venait de recevoir le prix Nobel. Il était préoccupé par la fluidité du temps, la vieillesse, la mort – et il a remarqué avec plaisir qu’il se tenait plus droit que moi, bien qu’il soit trente ans plus vieux.” (De “Autres rives” de V. Nabokov)

Comme le suggère cette phrase, Nabokov n’était pas très favorable au lauréat du Nobel.

Il faut dire que Bounine n’était pas en reste. Comme le montre le livre de Maxim Shrayer “Bounine et Nabokov : Histoire d’une rivalité”, Bounine a écrit dans son journal :

“V.V. Nabokov-Sirin a écrit en anglais et a publié un livre, sur la couverture duquel, au-dessus de son nom, il y a pour une raison quelconque une couronne royale. Le livre contient des notes rapides sur les écrivains émigrés qu’il a rencontrés à Paris dans les années 1930, et il y a une page sur moi – un mensonge sauvage et stupide, comme si je l’avais traîné dans un restaurant russe cher (avec des gitans) pour s’asseoir, boire et parler avec lui, Nabokov, “du fond du cœur”, comme tous les Russes aiment le faire, mais il ne supporte pas ça. Ça me ressemble beaucoup ! Et je ne suis jamais allé dans un seul restaurant avec lui.”

Bounine n’aimait pas que Nabokov le “dépasse” en popularité, tandis que Nabokov essayait de prouver que l’œuvre de Bounine n’avait pas influencé la sienne.

Il existe l’opinion selon laquelle la popularité de Nabokov a incité Bounine à écrire “Les Allées Sombres”, reconnues comme un “joyau” de son œuvre.

Quoi qu’il en soit, dans cette compétition, nous, les lecteurs, sommes sortis gagnants.

Bien que l’histoire de la création des “Allées Sombres” ne soit pas si joyeuse. Le cycle a été écrit de 1937 à 1945. La première partie du cycle a été écrite en 1937, et la troisième a été achevée en 1945, avec deux autres récits ajoutés plus tard.

En 1940, Bounine, depuis Paris occupé par les nazis, déménage à Grasse, où il vit dans la pauvreté. Il refuse de publier ses œuvres avec des éditeurs collaborant avec le régime d’occupation. De plus, il cache un juif dans sa maison.

Bounine décrit cette période ainsi : “Nous vivons mal à Grasse, très mal. Eh bien, nous mangeons des pommes de terre gelées. Ou de l’eau avec quelque chose de dégoûtant qui flotte dedans, peut-être une carotte quelconque. C’est ce qu’on appelle de la soupe… Nous vivons en communauté. Six personnes. Et personne n’a un sou en poche… L’un est venu nous rendre visite pour un jour ou deux… C’était il y a trois ans. Depuis lors, il vit comme un invité. Et honnêtement, il n’a nulle part où aller : c’est un Juif. Je ne peux pas juste le mettre à la porte…” (Sedykh A. Lointains, Proches. Moscou : Travailleur de Moscou, 1995. P. 209. Cité dans : Lettres de M.A. Osorgin / Publié par G. Glushanok // Nouveau Journal. 2012. No. 268)

La femme de l’écrivain, Vera Muromtseva-Bounina, a écrit que les histoires des “Allées Sombres” sont apparues “en partie parce qu’on voulait s’échapper pendant la guerre dans un autre monde, où il n’y a pas de sang versé, où on ne brûle pas vif, etc. Nous étions tous occupés à écrire, et cela aidait à supporter l’insupportable.” Bounine a lui-même plus tard écrit sur un exemplaire des “Allées”, offert à Zinaïda Chakhovskaïa : “Le Décaméron a été écrit pendant la peste”. (Du site Полка)

Il convient de noter que pendant les années de l’URSS, “Les Allées Sombres” n’ont été partiellement publiées que pendant les années de “détente”, et encore, pas entièrement. On ne peut pas dire que la critique était unanime. C’est compréhensible, car il n’y avait pas de sexe en URSS, et “Les Allées Sombres” relèvent de la prose sensuelle et érotique.

Dans notre pays, l’œuvre de Bounine n’a été publiée en entier qu’après 1986 !

Nous avons une collection complète des œuvres de ce grand écrivain dans notre bibliothèque. Venez lire !

Je rappelle que le prochain salon littéraire sera consacré à l’œuvre du romancier soviétique de science-fiction Alexandre Belyaev.